Chapitre 2 : Le parfum des madeleines, ou l’odeur du souvenir.

Vous est-il déjà arrivé de sentir un parfum, une épice, ou encore l’odeur de quelque chose de très random, et de vous retrouver instantanément projeté ailleurs?

Votre restaurant fétiche après une soirée ciné, une salle de classe en CP, ou encore l’été de vos quinze ans? Moi oui, et très sûrement vous aussi.

Ce phénomène fascinant, où une simple odeur nous ramène en un éclair à un souvenir d’enfance, une émotion oubliée, ou à un lieu cher à notre cœur porte bien un nom: la mémoire olfactive.

Et pour l’illustrer, impossible de pas évoquer notre famoso Marcel Proust et sa madeleine: celle qui une fois trempée dans son petit thé le transporte des décennies en arrière, dans la maison de son enfance auprès de sa tante Léonie.

Proust le racontait déjà si bien, mais Ilhame va vous le raconter en mieux, alors bienvenue dans ce chapitre 2, et découvrez le royaume capricieux, capiteux, fantastique de la mémoire olfactive.

Comment une odeur réveille-t-elle un souvenir?

Reprenons, la mémoire olfactive est la capacité de notre cerveau à enregistrer et à se rappeler des odeurs. Elle a la particularité de faire ça avec une intensité émotionnelle bien supérieure à celle des souvenirs visuels et auditifs, le tout de manière subjective.

Là où on peut entendre ou voir la même chose, c’est plus particulier pour une odeur. Un même parfum peut évoquer un moment de tendresse pour certains, un traumatisme pour d’autres.

Et pas besoin de vous rappeler comment une odeur passe de nos narines à notre cerveau puisque vous êtes de très bons élèves qui dégustent assidûment mes paroles mais pour tout de même faire un petit (mais vraiment petit) rappel: 

L’information olfactive a une entrée VIP et ne passe pas par le filtre rationnel du cerveau. Elle se loge directement dans le système limbique, et plus précisément à deux endroits clés:

  • l’amygdale (gardienne de nos émotions brutes)
  • l’hippocampe (le grand archiviste de la mémoire: celui qui classe, trie, et se souvient)

En bref, au lieu d’être traité comme une information neutre à analyser, le signal olfactif est stocké par le cerveau tel quel, AVEC l’émotion qu’il provoque.

Et concrètement, qu’est-ce que ça implique?

Quand une effluve vous est familière, il y a un “full package” qui remonte: émotion, souvenir, etc. 

C’est pour ça que certaines odeurs nous retourne le cœur, ou la tête. Et comme pour Proust, pas besoin de tremper vos madeleines dans du thé, il suffit que l’air change, que quelqu’un passe avec un parfum familier, ou que le vent vous ramène une note de lessive, de clope froide ou de cuir, et bam, vous revivez le moment.

En fait, la mémoire olfactive, c’est un peu comme la version gratuite de Spotify (team Apple Music #celadit). Vous êtes en mode aléatoire, vous ne pouvez choisir aucune musique, et les pubs arrivent sans prévenir. Une odeur peut vous faire sourire bêtement dans la rue, comme vous rendre triste pour la journée.

Pourquoi les souvenirs olfactifs sonnent un peu comme de la sorcellerie? 

L’odorat est un sens primitif qui existe depuis bien avant que les humains sachent lire, écrire ou nommer leurs émotions. C’était un vecteur ancestral, un outil de survie.

C’est également l’un des premiers sens à se développer chez l’être humain, et ce bien avant la naissance. Pour vous donner une idée, on sent avant même de pouvoir voir ou entendre. Dès la 12ème semaine de grossesse le système olfactif du fœtus est pleinement formé, et peut percevoir les odeurs via le liquide amniotique qui s’imprègne des saveurs et des arômes provenant de l’alimentation de la mère. 

Ce contact précoce forge déjà nos souvenirs et alimente cette “bibliothèque olfactive” qui nous façonne, avant même de venir au monde.

Ajoutez aussi à ça que les odeurs sont également très difficiles à décrire. Et contrairement aux images ou aux sons, il n’existe pas de “vocabulaire universel” des odeurs. Savoir nommer comment les choses sentent s’apprend, et le vocabulaire olfactif se cultive.

Il est donc normal que le cerveau ne les classe pas bien, et les garde à l’état brut, avec l’émotion vécue à cet instant là.

Ou peut-être un super pouvoir? 

Et si je vous disais que la mémoire olfactive est la seule mémoire sur laquelle on peut réellement compter? Elle est précise, tenace, là même quand on n’y pense pas. 

La mémoire fonctionne comme une commode à tiroirs. Chaque type de souvenirs (épisodique, sensoriel, olfactif) a son propre “tiroir”, mais ils ne sont pas tous ouverts en permanence. Pour se rappeler d’un souvenir, le cerveau fait une chose assez incroyable puisqu’il “réactive” ce même souvenir et le réenregistre.

Mais problème, pendant ce processus des détails arrivent à être oubliés, d’autres ajoutés en fonction du contexte, de nos émotions, ou de nouvelles informations. Si vous suivez bien là vous comprenez que nos souvenirs sont une perpétuelle reconstruction. 

Alors oui, tout ce sport permet à la mémoire de rester flexible et en bonne santé, néanmoins, ça a ses limites: nos souvenirs ne sont donc jamais totalement fidèles à la réalité.

Sauf pour la mémoire olfactive, elle est la moins sujette à cette déformation et oubli progressif des détails. Pourquoi? Très simplement grâce à son pass VIP, she’s the moment, she’s an icon. 

Et ça, les parfumeurs, le monde du marketing, et des neurosciences l’ont très bien compris, et très bientôt vous aussi.

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